Hélène Bessette, est née le 31 août 1918 à Levallois-Perret et morte le 10 octobre 2000 au Mans, elle est une romancière et dramaturge française.
Quatorze livres publiés aux Editions Gallimard entre 1953 et 1973, deux fois inscrite sur les listes du Goncourt et du Médicis. Cet écrivain majeur est étrangement méconnue alors qu’elle a été sans cesse défendue par des écrivains et des critiques prestigieux. Un silence aujourd’hui dissipé pas la publication du Bonheur de la nuit, roman inédit sur l’enfermement du couple et le poids inexorable d’une société animée par le pouvoir et l’argent.
Postface de Bernard Noël (extrait)
Le bonheur de la nuit
Editions Laurelli | Léo Scheer, 2009 p.115 à 118 ,177 à 178
Lac sans ride de l’esprit au repos.
- À quoi pensez-vous ?
- À rien.
Mais c’est trop simple.
Les fous reprennent de plus belle.
« Sans elle ce qu’on serait heureux »
On va la supprimer.
Supprimer Chérie.
Ils frôlent le crime. Par l’imaginaire délirant.
À cause du rêve.
Fascinés par le rêve.
Le Rêve gênant. Torturant. Des suppositions.
Des imaginations galopantes.
Des folies ahurissantes. Non soignées ou insoi-
gnables. Incurables.
Impossibilité de bonheur.
Du bonheur.
Le « sans elle » facteur absolu de l’équation
posée.
Nécessaire.
Imaginatif. Principe de vie
De cette petite vie psychique. Puérile.
Commune. Populaire. Amenuisée. Diminuée.
Nullement fatigante. (et ils sont fatigués)
Le malheur inclus dans « Ce qu’on pourrait être
heureux »
Ajouter « sans elle »
Rature vitale.
Celle du malheur obligé. Obligatoire.
Cette espèce de chose impossible : la vie heureuse.
Manière de mort.
Temps plombé de lumière. Temps ennuyeux.
Aux heures longues. Lentes. Visage triste pour
succéder au visage hilare.
- Non, non, pas ça , hurle le personnage.
Je m’ennuie à mourir.
Un mortel ennui.
Le duo d’amour d’un ennui mortel.
Par l’ennuyeuse paix du bonheur certain.
Donc un obstacle.
Donc un malheur.
(il faut l’inventer)
Donc l’éternel trio de larmes et tragédies.
Inévitable.
Pour animer cette illusion de vie.
Vie pâle. Fade. De somnambule.
Aux aurores blêmes de la Fontaine-Whisky.
À l’aurore grise de la lampe familiale.
Big « T »
- Il va y avoir un malheur.
- Un fait divers.
-Ça va mal finir.
Heure blonde. Inconnue. Au visage de miel
décoloré.
Les personnages de rêve. Ou les personnages
rêveurs.
Ombres mouvantes et brumeuses.
Rêver de vivre.
Ou
Vivre des rêves.
Big « T ». Extase prolongée.
Ou l’erreur. Ou l’illusion. Ou la nécessité.
-Il est triste pour se marier
Dit le jeune homme jaune.
Monsieur triste.
-Ça je le crois que c’est une femme dangereuse.
Affirme Doudou. Personnage de rêve. Ou per-
sonnage rêvé.
Voix de déficience mentale. Arrêtée à l’âge
de douze ans.
Le cerveau (ce qui reste de) lavé par les romans-
photos des magazines.
- Ça je le crois que c’est une femme dangereuse.
Sûre d’elle, et au sommet de son intelligence
obscure.
Doudou au téléphone à cet instant précis.
De sa voix fine.
Non-modulée.
Elle minaude pour l’ami lointain :
-Moi de toute façon je fais le maximum.
[ ... ]
La soubrette entièrement dévouée au Maître.
qu’elle défend âprement.
On défend moins Madame Doudou.
Entraîneuse. Entraînée. Entraînable.
Regard froid et furibond de Nata.
Puis une dénégation sèche et impérative :
-Ce n’est pas une entraîneuse.
Heureusement.
-Mon Dieu... il ne manquerait que ça.
Murmure la femme du Pasteur.
Elle remue son sucre.
L’ennui doux. L’ennui triste. De couleur mauve.
Aux paroles oubliées.
-Qu’est-ce que tu disais ?
Aux questions sans réponse.
Aux paroles lasses.
-Quelle heure est-il ? quatre heures dix ou
deux heures vingt.
Aux promenades sans but.
-Qu’est-ce que je faisais ?
L’ennui oisif. Lascif.
-T’as des cigarettes ?
-On fait quelque chose ?
Long. Longues les heures.
Attendre l’événement.
Qui ne se produit pas.
L’ennui. Brume opaque. Entre les uns et les
autres.
L’éclairage gris.
Le jour fade de l’ennui bien installé.
Et rien ne se passe.
de ce qu’on espérait.
L’attente longue de la Comédie-Tragédie
Souhaitée.
Des morts. Des blessés. Des mourants. Des crimes.
Des procès. Des assassins. Des gendarmes. Des
Juges. Des coups. Des blessures. Des cris.
NON
RIEN.
Mais les regards embués
Sur le jour pâle et violet
Qui s’étale aux carreaux
Par-delà les jardins.
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